Classification en BIM : un langage structurant pour la construction numérique de demain

Comprendre la logique de la classification dans le BIM

Dans l’univers du BIM, la modélisation 3D est souvent la partie la plus visible de l’iceberg. Mais l’essence même du BIM réside dans les données qui accompagnent chaque objet. Ces données peuvent être techniques, économiques, environnementales ou encore fonctionnelles. Leur potentiel repose sur leur structuration. Une donnée mal organisée est une donnée inutilisable. C’est ici qu’interviennent les classifications : des systèmes permettant d’attribuer à chaque composant du bâtiment un identifiant normalisé, compréhensible par l’ensemble des acteurs du projet.

Classifier en BIM, ce n’est pas seulement étiqueter des objets, c’est leur donner une identité stable, accessible et exploitable tout au long du cycle de vie de l’ouvrage. Cela permet non seulement d’éviter les doublons ou les erreurs d’interprétation, mais aussi d’améliorer la collaboration interdisciplinaire et de poser les bases d’une exploitation technique plus efficace.

Des systèmes de classification multiples et complémentaires

Il existe plusieurs systèmes de classification utilisés dans les projets BIM, chacun répondant à des logiques propres, souvent liées à des contextes nationaux ou sectoriels.

Le système Uniclass 2015, développé au Royaume-Uni, offre une structuration fine et modulaire qui couvre toutes les phases du cycle de vie d’un projet. Il est basé sur des tables (entités, systèmes, produits, fonctions…) qui permettent une grande flexibilité. Ce système est fortement intégré dans les outils et processus BIM britanniques, dans le cadre des politiques publiques.

Aux États-Unis, le système OmniClass est largement utilisé, notamment dans les projets institutionnels. Il repose sur 15 tables thématiques qui permettent de classifier les objets selon leur usage, emplacement, matériau ou encore processus associé. Il vise à fournir un cadre commun aux architectes, ingénieurs, maîtres d’ouvrage et exploitants.

Le MasterFormat, également nord-américain, est quant à lui plus directement orienté vers les spécifications techniques et les devis. Sa structure hiérarchique est familière aux entreprises de construction et aux économistes.

En France, la situation est plus contrastée. Si les CCTP (Cahiers des Clauses Techniques Particulières) restent encore très utilisés pour structurer les documents de marché, la normalisation BIM progresse lentement. La norme expérimentale XP P07-150 propose une structuration des objets BIM, mais son adoption reste limitée. Le Plan BIM 2022 a toutefois permis d’accélérer la prise de conscience sur la nécessité d’une harmonisation des classifications dans les projets publics.

Le rôle du format IFC dans la transmission des classifications

Le format IFC (Industry Foundation Classes), développé par buildingSMART, occupe une place essentielle dans l’écosystème BIM. Il ne constitue pas une classification en soi, mais c’est le format d’échange ouvert qui permet de faire circuler les données BIM d’un logiciel à l’autre. Il agit comme un vecteur universel, garantissant l’interopérabilité entre outils. Les codes issus des systèmes de classification (Uniclass, OmniClass, etc.) peuvent être intégrés dans les propriétés IFC des objets BIM, assurant ainsi la continuité des informations à travers toute la chaîne de valeur du bâtiment.

Cela signifie qu’un même objet, modélisé dans un logiciel d’architecture, pourra conserver sa classification lorsqu’il est ouvert dans un logiciel de calcul structurel ou de gestion technique. C’est une brique essentielle de la collaboration numérique.

Une valeur stratégique pour l’exploitation et la maintenance

La puissance des classifications ne se limite pas à la phase de conception. En exploitation, leur apport devient déterminant. Un bâtiment modélisé avec une classification rigoureuse permet de mieux organiser la maintenance, de retrouver plus rapidement les équipements à contrôler ou remplacer, et de connecter la maquette à un système de GMAO (Gestion de Maintenance Assistée par Ordinateur).

Un bâtiment classifié, c’est un bâtiment lisible, traçable, optimisable. Selon l’Observatoire du Plan BIM (2022), une structuration rigoureuse peut réduire de 30 % le temps consacré à la gestion technique d’un bâtiment. Cela représente un gain de productivité considérable, mais aussi une meilleure qualité de service pour les usagers.

Vers une normalisation accrue et des innovations à venir

Le paysage du BIM évolue. On assiste à une montée en puissance des initiatives visant à normaliser les classifications à l’échelle européenne. La future norme EN ISO 12006-2 constitue un socle commun pour la structuration des éléments de construction. Elle vise à créer une base sémantique cohérente, permettant une meilleure interopérabilité entre pays et systèmes.

Dans le même temps, les enjeux environnementaux réorientent les priorités. Les classifications sont amenées à intégrer des critères tels que la performance énergétique, la recyclabilité des matériaux ou l’empreinte carbone. Cela permettra aux maîtres d’ouvrage de mieux piloter leur stratégie RSE dès la conception.

L’arrivée des jumeaux numériques et la généralisation des capteurs IoT introduisent également une nouvelle dimension : les données ne sont plus seulement statiques. Elles deviennent dynamiques, évolutives, connectées. Les classifications devront suivre ce mouvement, en intégrant des paramètres de suivi en temps réel, de maintenance prédictive, ou de pilotage énergétique.

Enfin, des expérimentations voient le jour autour de l’automatisation de la classification. Des algorithmes de reconnaissance d’objets ou d’analyse sémantique des documents (comme les CCTP) sont testés pour générer automatiquement des codifications normalisées.

Classer, c’est comprendre. Et comprendre, c’est pouvoir collaborer, optimiser, construire mieux. Dans le BIM, les classifications jouent ce rôle essentiel de structuration de la donnée. Loin d’être un détail technique, elles sont le socle sur lequel repose toute la fiabilité d’un projet, de sa conception à sa gestion. À l’heure où les bâtiments deviennent intelligents, connectés, responsables, la maîtrise des classifications est plus que jamais une compétence stratégique. Il ne s’agit plus simplement de « bien nommer », mais de « mieux construire » dans un monde numérique en pleine mutation.

Sources

Plan BIM 2022 – Guide de mise en œuvre du BIM : https://www.batiment-numerique.fr/plan-bim-2022/

buildingSMART – Industry Foundation Classes (IFC) : https://www.buildingsmart.org/standards/bsi-standards/industry-foundation-classes/

NBS – Uniclass 2015 : https://www.thenbs.com/our-tools/uniclass-2015

OmniClass – Construction Classification System : https://www.omniclass.org/

CSI – MasterFormat : https://www.csiresources.org/practice/standards/masterformat

AFNOR – Norme XP P07-150 : https://www.afnor.org/

ISO – Norme EN ISO 12006-2 : https://standards.iso.org/iso/12006/-2/

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